
Les premières parties me confirment l'impression initiale: le système de jeu possède un vrai potentiel. Parmi ces innovations, le tour, divisé en 3 phases, et les activations alternées proposent des choix tactiques originaux et introduisent des situations nouvelles dans la guerre de table. On peut ainsi faire se côtoyer des réactions (tir en alerte ou riposte par exemple), des actions longues (tir visé, course), et la frénésie du combat (actions multiples, simultanées, etc...). Une nouvelle caractéristique, le Calibre, fait la différence entre la troupe de base et les héros, et indique la qualité générale du combattant, jouant à différents niveaux, selon l'action choisie. L'activation alternée donne un vrai rythme à la partie, tout en permettant aux joueurs de réagir très vite aux évènements. Je dois bien avouer que 5 ans après, je reste encore sous le charme de ce système si dynamique qui donne lieu à de vrais échanges, des batailles intenses et des tactiques variées. A mon humble avis, il s'agit d'un des meilleurs systèmes d'escarmouche quant à la retranscription de l'intensité d'un combat urbain, et c'est un plaisir de pouvoir à la fois jouer le sniper embusqué dont la cible finit par quitter le champ de vision, que le garde qui scrute une zone pour arroser le premier ennemi venu en passant par le Shockmarine qui enchaîne trois corps à corps dans le même tour (oh le gros bourrin).
Assez rapidement cependant, quelques limites apparaissent: d'abord les gars d'Urban Mammoth ont l'air fâchés avec la statistique. En effet, l'utilisation du D10 sur des tests de valeurs plutôt médiocres et des modificateurs nombreux donnent en jeu des situations peu réalistes, et le tir souffre terriblement de cette erreur d'ajustement. La plupart des combattants sont incapables de dégommer des adversaires qui se baladent 3 mètres devant eux à découvert avec une plume dans le derrière, une succession de jets à faible chances de réussites rendant la manœuvre non plus risquée, mais quasi aléatoire. Il en va de même pour les actions supplémentaires, qui relèvent non plus du pari risqué, mais du coup de bol sur lequel il reste difficile de construire une tactique. Quelques déséquilibres dans les profils, ou dans les armes, qui rendent certaines troupes terriblement dangereuses, ou quasi impossibles à tuer. De petits bugs de jeunesse, par manque de playtesting sans doute. Mais au lieu de profiter du format magazine et des possibilités de mises à jour rapides, les mois passèrent sans que les correctifs n'apparaissent. Un peu de retard, également, dans les publications, et le manque de contenu réellement intéressant (Urban Mammoth semblait en permanence à la bourre, mais surtout se contentait de remplir des pages pour tenir les délais, plutôt qu'en y apportant du vrai contenu), puis un manque de cohérence flagrant dans le développement du jeu, et dans la communication eurent raison des bonnes intentions des premières heures et les quelques relances (formats de boites, règles téléchargeables, réédition des règles) ne parvinrent pas à rallumer la flamme.
En France, le suivi calamiteux par Artgamer, chargé de la distribution qui peinait à mettre le jeu en valeur au sein même de son propre magasin, et dont les traductions tardives et/ou calamiteuses retardèrent encore le lancement du jeu sur le territoire et ne permirent pas à ce système de trouver l'élan nécessaire pour impacter les fidèles des gros jeux et pour se creuser une place de choix dans les magazines ou les forums de joueurs.
Parallèlement, le besoin d'argent se faisant sentir, Urban Mammoth, a rapidement cédé comme les autres à la tentation du combat d'escouades, plus rentable potentiellement, sans en avoir réellement les moyens, et en adaptant tant bien que mal ses règles à cette échelle, mais sans jamais vraiment revenir sur les dysfonctionnements. Malgré une gamme de figurines qui s'étoffait rapidement, avec du bon et du pire, c'en était fini d'Urban War et de ses rejetons.
C'est un peu à tout cela que j'ai pensé en fouillant les 3/4 grosses caisses où s'accumulaient en vrac les blisters à 50%, à l'influence que ce jeu à pu avoir sur mes expériences ludiques, et sur ma manière d'entrevoir le jeu d'escarmouche moderne. Et puis surtout au gros gâchis vis à vis de ce système, et du format magazine qui n'a su trouver ni son public, ni sa vitesse de croisière, pour se retrouver avec tant d'autres au cimetière des jeux de guerre de table.